Suggestion de lecture
Chronic City, de Jonathan Lethem
Chronic City, de Jonathan Lethem, n’est pas un roman du 11 septembre 2001. Certes, le roman se déroule dans un New York du nouveau millénaire, et ses personnages explorent la ville, allant de l’Upper East Side au Lower Manhattan de l’Hôtel de Ville. À aucun moment l’auteur mentionne ce jour, ni même ses traits marquants : aucun feu, aucun avion, aucune tour ne sont évoqués dans ce roman. Pourtant, il se passe quelque chose dans la littérature du 11 septembre avec Chronic City. Peut-être est-ce le résultat du lecteur qui cherche dans le roman new-yorkais les traces des attentats de 2001. Déjà, avec Let the Great World Spin, Colum McCann explorait la figure de l’équilibriste Philippe Petit, célèbre pour avoir marché entre les deux tours, en 1974, orientant le regard vers les tours en misant sur la nostalgie d’une époque révolue, celle où les évoquer ne revenait pas à parler de leur destruction. Chronic City devient quant à lui un roman du 11 septembre précisément par les détours qu’il prend pour ne pas nommer le 11 septembre, pour en contourner les figures.
The Kite Runner
Avec The Kite Runner, Khaled Hosseini tisse un roman d'initiation puisant sa force dans l'histoire tragique de l'Afghanistan. Le personnage principal, Amir, suivra un parcours en boucle le ramenant presque malgré lui dans la ville de son enfance.Il devra y affronter les fantômes de son passé, et peut-être exaucer le souhait de son ami Rahim Khan : « There is a way to be good again. » (page 2)The Kite Runner n'est pas un roman sur le 11 septembre. Le 11 septembre n'y occupe pas même une place significative. Le roman ne manque toutefois pas d'apporter sa contribution au processus de fictionnalisation du 11 septembre par l'entremise de sa représentation de l'Afghanistan.Pour lire le compte rendu de Jean-François Legault, cliquer ici.
Palindromes
Palindromes, le film de Todd Solondz de 2005, offre une version inédite de l’utilisation des attentats du 11 septembre 2001 au cinéma : celle d’une destinée toute faite, prête à être utilisée. Un tel usage renforce la signification des attentats comme mythe d’origine.
Logiques de l'imaginaire
Le professeur Bertrand Gervais, directeur du Lower Manhattan Project, a achevé en 2009 sa trilogie d'essais sur l'imaginaire. Logiques de l'imaginaire explore en trois tomes les manifestations de l'imaginaire, de même que leurs modes de déploiement, s'appuyant sur les littératures contemporaines (américaine, française, québécoise). Dans Figures, Lectures, l'auteur aborde la question des figures, s'intéressant à ce qui les définit et à leur contexte d'émergence. Le second essai, La ligne brisée, traite du labyrinthe comme figure qui permet de penser l'oubli et de représenter la désorientation et la violence qui lui sont indissociables. Le corpus, cette fois littéraire et cinématographe, va de Paul Auster à David Lynch.
Fictions et images du 11 septembre 2001
Par leur force et leur caractère photogénique d’événement-image, les attentats du 11 septembre 2001 se sont gravés dans notre conscience, voire notre imagination. Depuis ils s’imposent comme fait incontournable. Déjà vieux de neuf ans, ils ne cessent d’être réactualisés et leur impact est décisif dans les sphères politique, sociale et culturelle. Ils sont au cœur de l’imaginaire contemporain, comme un mythe qui en serait l’origine. Les articles de ce collectif explorent, à travers un ensemble varié d’œuvres, l’arc entier des représentations de ces attentats, depuis les premières entreprises de reconstruction symbolique jusqu’aux œuvres les plus récentes qui mettent en scène les principales figures de cet imaginaire.
Avec des textes de Jean-François Chassay, Christiane Connan-Pintado, Christelle Crumière, Annie Dulong, Bertrand Gervais, Éric Giraud, Jean-Philippe Gravel, Françoise Heulot-Petit, Louise Lachapelle, Aurélie Lagadec, Charles-Philippe Laperrière, Patrick Tillard, Isabelle Vanquaethem et Nicolas Xanthos.
Just Like The Movies
Putain, c'est la guerre!
Poétique est un mot insuffisant pour caractériser la force corrosive et pétillante de Putain, c’est la guerre! Ce petit livre renouvelle le plaisir subversif et la richesse allusive de l’ironie dans un milieu social et idéologique américain qui en avait bien besoin à partir de 2001. Écrites et dessinées dans le contexte du choc qui a suivi les attentats contre les tours du World Trade Center de Manhattan, ces bandes commentent « in vivo » la prolifération et les pièges des discours définitifs de l’équipe politique au pouvoir aux États-Unis, que ce soient les lois sécuritaires, les retombées de la lutte contre le terrorisme, les absurdités et les énigmes des nouvelles lois répressives, ainsi que l’ensemble des « lessivages » de cerveau. Le refus de la « lobotomisation », lorsqu’il se tourne, comme ici, vers ces ennemis que sont les discours politiques et le matraquage idéologique, se préoccupe de ce qui, dans leur puissante efficacité, dupe leurs victimes.
Un désordre américain, Ken Kalfus
Débutant le matin du 11 septembre dans un taxi newyorkais, Un désordre américain met en scène un homme et une femme dont le mariage, plus que de simplement se défaire, est en processus d’implosion. Marshall et Joyce, dont le divorce traîne depuis un bon moment, partagent le même appartement et la garde de leurs deux enfants et cette cohabitation transforme leur appartement en zone de guerre : coups bas, destruction, manipulation, tous les moyens semblent bons pour obliger l’autre à céder et à quitter l’appartement qu’aucun ne veut laisser à l’autre. Le 11 septembre, Joyce, à la dernière minute, ne prend pas le vol 93 de United Airlines. Marshall, quant à lui, est retardé par un flirt avec l’éducatrice de l’un de leurs deux enfants et n’est donc pas à son bureau du World Trade Center lorsque le premier avion frappe. Il est néanmoins sur les lieux et échappe à l’effondrement des tours. Au cours des mois qui suivent, alors que les États-Unis vivent l’occupation de New York par l’armée, l’empoisonnement du courrier à l’anthrax et la guerre en Irak, les deux personnages poursuivent d’une manière encore plus intensive leur lutte en vue du divorce sans parvenir véritablement à achever l’autre. Au terme du roman, les deux personnages, épuisés par cette lutte incessante, finissent par divorcer.
La motivation de Kalfus (donner une image plus humaine des personnes mortes dans les attentats) mérite à elle seule que l'on s'arrête au livre. Au lieu de consentir à cette mythification, voire à cette glorification, Kalfus opte pour l'inverse: ses personnages sont mesquins, vengeurs, et leur regard sur les événements qui les entourent sont soit désintéressés, soit opportunistes.
Pour voir le compte rendu: http://lmp.uqam.ca/compte-rendu/305
Direct, de Patrick Bouvet
Direct est le troisième livre d’un tryptique (In Situ (1999), Shot (2000)) portant sur le rapport à l’image et sur le traitement de l’information par les médias. Le texte part des flash infos diffusés à la télévision lors des attentats du 11 septembre 2001 à New York. Il consiste en un montage de prélèvements des énoncés journalistiques et des témoignages diffusés ce jour-là à la télévision, « remixés » et peu à peu recomposés par un travail de détournement d’auteur.
Le livre est composé de trois parties se différenciant par leur mise en page. La première partie porte principalement sur les avions percutant les tours prend la forme d’énoncés découpés comme des vers, d’abord centrés en bas de page, puis justifiés en haut et à gauche de la page. La deuxième partie dissémine sur la page des témoignages d’individus ayant assisté à l’événement. La troisième partie reprend la justification en bas de page centrée de la première partie et les commentaires journalistiques sur les images de l’événement.
Pour voir le compte rendu: http://lmp.uqam.ca/compte-rendu/147
Here is New York: A Democracy of Photographs
Le projet de Here is New York, né au lendemain des attentats, témoigne du besoin d'images ressenti par les Américains mais également plus largement par les Occidentaux à la suite des attentats. Les instigateurs du projet ont recueili, numérisé, imprimé et affiché quelques 5000 photographies des attentats contre le World Trade Center, photographies issues, sans distinction, de photographes amateurs et de photo-journalistes. Le livre regroupe environ 1000 de ces photos et il est impossible de le séparer du projet initial. Qu'il y ait eu dès les premiers instants des événements ce recours à la photographie parce qu'il ne fallait pas ne pas prendre cette photographie, ne pas témoigner de ce qui était vu et donc du rôle (même mineur, en tant que témoin) joué par le photographe, s'inscrit dans une pensée sensationnaliste de l'événement et du témoignage qui a pour effet de magnifier à la fois l'effet traumatique de la destruction et sa "beauté" esthétique.
Here is New York est un ouvrage essentiel pour la compréhension du processus de mythification parce qu'il permet, au fil du livre, de noter l'essor du processus de mythification et ses phases: des photographies marquant l'incrédulité, l'impuissance et la tristesse, on passe à des photographies témoignant de la colère (appel à la vengeance, menace à Ben Laden, etc.) puis à des photographies dont l'objet est clairement une héroïsation des secouristes. Cette dernière catégorie de photographies semble politique, voire même dans une logique de guerre: une façon de dire à l'ennemi qu'il n'a pas réussi. Si le thème central de l'ouvrage est peut-être le témoignage, il n'en reste pas moins qu'il y a dans certaines images un calcul froid: les photographies de gens "posant" devant les tours en feu détonnent à côté des photographies prises sur le vif, à la manière du photo-journalisme.
Pour voir le compte rendu: http://lmp.uqam.ca/compte-rendu/380