28 juin 2008

Passage Afghan

Par Gabriel Gaudette
Présentation de l'œuvre
Ressource bibliographique: 

Passage Afghan, du bédéiste politique américain Ted Rall, est une œuvre à deux entrées. D’un côté se trouve un roman graphique d’une cinquantaine de pages dans lequel l’auteur relate, sous forme de bande dessinée, son périple de trois semaines en Afghanistan effectué quelques mois après les attaques du 11 septembre et le début de la riposte américaine dans ce pays d’Asie Centrale. L'auteur y met principalement l'accent sur son expérience éprouvante de journaliste de guerre. D’un autre côté sont présentés des courts chapitres (4 pages en moyenne) qui sont en fait des éditoriaux que Rall avait écrit pour le compte du magazine Village Voice pendant et après son voyage. Cette dernière partie inclut également des photographies prises par l’auteur pendant son périple et des strips de quelques cases directement en lien avec le sujet abordé dans chaque chapitre. Rall a été horrifié de découvrir la misère du peuple afghan, les conditions de vie rendues encore plus difficiles par les bombardements américains, l’incohérence de l’intervention militaire et la forme pernicieuse d’autocensure que les journalistes américains emploient afin de présenter une information rassurante à la population encore sous le choc des attentats. Il consacre également de nombreuses pages à dénoncer les intentions à peine voilées du gouvernement de George W. Bush pour aller faire la guerre en Afghanistan (essentiellement prendre le contrôle du pays afin de pouvoir y faire traverser un immense pipeline permettant d’acheminer du pétrole du Turkménistan) et le cycle de haine qui ne sera que renforcé si la seule stratégie de la guerre au terrorisme consiste à bombarder une population civile ayant déjà une opinion défavorable de l’Amérique. Il devient manifeste qu’un des messages que veut livrer Rall avec son ouvrage est que pour les citoyens afghans, chaque journée est un 11 septembre. 

Précision sur la forme adoptée ou le genre: 

La stratégie à deux entrées de Rall lui permet d’avoir recours à plusieurs médiums. Dans la portion roman graphique de l’ouvrage, l’artiste employe son style graphique simpliste afin de relater de manière chronologique son expérience de journaliste montant au front, avec ce que cela implique de négociations avec les informateurs et les traducteurs sur place, les difficultés techniques et hygiéniques de s’adapter à un mode de vie médiéval pour quelques temps, les conflits qui constituent un arrière-plan violent que Rall finit par ignorer et l’insensibilité des journalistes étrangers à la recherche d’un scoop. La portion éditoriale laisse davantage d’espace à Rall pour avancer ses arguments incendiaires afin de condamner la politique étrangère de Bush, de présenter des portraits de l’existence de la population afghane en cette période de conflit, de traiter de la réalité politique d'après-11-septembre et de livrer ses impressions générales sur la situation. De plus, Rall est un bédéiste particulièrement doué pour la forme du strip court, et il parvient souvent à résumer en quatre cases ce qu’il a expliqué en quatre pages. Les photographies qui accompagnent les chapitres apportent une touche de réalisme documentaire à l’ouvrage.

Précision sur les modalités énonciatives de l'œuvre: 

Le roman graphique se concentre principalement sur l'expérience de Ted Rall alors que les chapitres de la portion écrite prennent la forme éditoriale. Les strips présentent parfois des personnages politiques connus du public mais il est plus courant qu'ils présentent des citoyens américains génériques manipulés par les chaînes d'information. Quelques échanges entre Rall et des citoyens afghans ou des journalistes sont rapportés, mais dans l'ensemble, le point de vue de l'auteur prédomine dans l'oeuvre.