Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre:
Sandrine Revel, l’auteure, raconte et dessine son expérience. Elle était sur place. Entre incompréhension et révélation soudaine, elle ressent ce moment de violence pure comme un danger qui plane sur elle et sur le monde. L’aspiration vers le vide est compensée par le rappel du frère mort qui la pousse du côté de l’existence. Angoissée, mais aussi fascinée, la dérive émotive de l’auteure dans New York paraît étrangement immobile, l’hôtel semblant un refuge.
La mort omniprésente, la compassion et la blessure alternent dans une discordance qui résonne sans rythme excessif, les personnages subissant plutôt que réagissant à la catastrophe. La réaction d’adolescente, l'ironie facile qui cache la réalité et les moqueries destinées aux voyageurs sans avion de l'aéroport JFK montrent le bonheur de ceux qui ont survécu, une sorte de déraison mais aussi un bavardage superficiel qui résonne mal après le traumatisme subi. Proposer le témoignage d’une situation vécue est alléchant. Toutefois, le mélange de genres entre le souvenir du frère décédé et la catastrophe qui frappe le World Trade Center n’amène pas grand-chose à un récit statique. Il l’éparpille quelque peu dans une vacuité où voltigent quelques images, quelques sensations. Le vide de Central Park tout de suite après les impacts puis les regards des new-yorkais, regards fixes et opaques levés vers les tours, relèvent d’une description à vif d’une situation vécue, instantané qui fonctionne à quelques reprises mais reste en deçà d’une production émotionnelle intense. L’évocation de l’aéroport JFK vide, de ses espaces et de ses couloirs, de ses comptoirs désertés, est assez symbolique d’une modernité en déroute. Mais le récit demeure anecdotique sans rencontrer une dimension mythique, sans démontrer une foi en la vie qui pourtant paraît être au coeur du récit parallèle avec l’évocation du frère disparu.
L’histoire reste collée à la subjectivité de cette jeune fille qui comprend peu, sans doute à cause de la langue, mais ne restitue en quelque sorte que la poussière de l’événement à travers les péripéties vécues.
Les interférences discursives du décès du frère semblent un artifice narratif facile pour émouvoir en profondeur le lecteur, ce qu’elles ne sont sans doute pas pour l’auteure. Une certaine imprécision narrative où plusieurs niveaux de lecture sont possibles mais non aboutis mélange sens et interrogations quant aux intentions initiales de la narration.
Je ne crois pas que ce livre, malgré sa sincérité, laissera une empreinte particulière dans le processus de mythification qui nous intéresse mais il contribue à sa façon au processus.
Donner une citation marquante, s’il y a lieu:
« Un avion, c’est pas comme une voiture, ça peut pas tourner à la seconde…! » (p.35)
« Saloperie de café américain. » (p.7)