La référence aux événements, bien qu’omniprésente, est au début courte (quelques lignes, voire quelques mots) et implicite, par les allusions indirectes du jeune Oskar Schell, fortement choqué et, dans son travail de deuil pathologique du père, à travers son imagination hyperactive, son état émotionnel et la phobie de tout ce qui peut être lié directement ou indirectement aux moments de l’attaque et de l’effondrement des tours : moyens de transport, moyens de communication (répondeurs téléphoniques. c.f. citation 5b). Puis, au fur et à mesure du récit, la référence aux événements est de plus en plus explicite et sur plusieurs pages, par le matériau iconique documentaire, ou encore par le point de vue du fils écoutant et réécoutant les messages laissés sur le répondeur téléphonique par le père, par les images vues à la télévision et par les divers points de vue des personnages (fils et grand-mère à New York et grand-père à Dresde).
Attitude face aux événements:
L’effondrement des tours a dispersé et disséminé l’identité de son père dans toute la ville, et le fils est en quête de reconstruction, par une tentative de travail de deuil rendu difficile par l’absence de dépouille. « Il avait des cellules, et maintenant, elles sont sur les toits, et dans le fleuve, et dans les poumons de millions de gens à New York, qui le respirent chaque fois qu’ils parlent! » (p. 218) Le commentaire des dernières pages du livre concernant la série en sens inverse des images de la chute du corps confirme bien le désir de l’enfant de remonter le temps, de revenir en arrière, avant l’événement, pour retrouver son père disparu.
Moyens de transport représentés:Le narrateur présente une phobie des moyens de transport associés au 11 septembre (ferry, métro, avion, ascenseur, pont) qu’il parvient à atténuer lors de son travail de deuil dans New York par la recherche d’une serrure correspondant à la mystérieuse clé trouvée dans les affaires de son père. Des références sont faites à la limousine de l’enterrement, aux taxis qu’il emprunte pour ses déplacements, puis aux autres moyens de transport qu’il finit par réintégrer.
Moyens de communication représentés: Le téléphone occupe une place importante. L’enfant de 9 ans a un téléphone portable. Il dissimule dans un placard le téléphone répondeur familial afin de soustraire et de conserver les messages laissés par son père lors de l’attaque des tours. Il ne répond pas au dernier appel de son père mais écoute le message sur le répondeur. Les six messages sont disposés l’un après l’autre sur toute la longueur du roman. Oskar remplace le téléphone soustrait par un téléphone identique qu’il va acheter au moment de l’effondrement de la première tour. (p. 90)
Internet est un moyen de recherche d’informations, de documentation et de collecte d’images sur l’événement liées à l’impensable disparition du père. (pp. 333-334)
La scène de l’attaque et l’effondrement des tours vue à la télévision est narrée plusieurs fois, du point de vue des trois personnages principaux : le fils (scène vue furtivement dans un magasin au moment de l’achat du téléphone remplaçant celui qu’il a caché, p. 90), la grand-mère (la répétition des images télévisées, p. 297), le grand-père (la multiplicité des postes de télévision, dans une gare et une boutique, p.351)
Le papier et l’écrit manuscrit sont omniprésents. On colle des affiches du père disparu après les événements. L’activité épistolaire est soutenue et concerne plusieurs personnages. Le grand-père aphasique ne communique que par écrit, en écrivant questions et réponses sur ses cahiers. Les cahiers envahissent son domicile new-yorkais. Il revient de Dresde avec des valises de cahiers remplis de son écriture. Les cahiers sont déposés à la place de la dépouille absente, dans le cercueil vide du père d’Oskar Schell. Enfin, le papier est présenté comme un combustible ayant entretenu le feu des tours. (p. 423-424)