The Kite Runner n'est pas un roman sur le 11 septembre. Le 11 septembre n'y occupe pas même une place significative. Le roman ne manque toutefois pas d'apporter sa contribution au processus de fictionnalisation du 11 septembre par l'entremise de sa représentation de l'Afghanistan. Pour mieux comprendre ce processus, une autre oeuvre, le film Wag the Dog réalisé par Barry Levinson en 1998, peut nous servir d'exemple. Le film relate comment un producteur hollywoodien parvient à monter une guerre de toutes pièces afin de distraire l'attention de l'électorat américain centrée sur le dernier scandale présidentiel. Le choix de l'emplacement de ce conflit fictif (l'Albanie) est expliqué dans ce dialogue entre le réalisateur et le représentant du président :
"- Why Albania?
- Why not?
- What have they done to us?
- What have they done FOR us? What do you know about them?
- Nothing.
- See? They keep to themselves. Shifty. Untrustable."
Bien que les attentats terroristes aient eu lieu en territoire américain, un pays s'est retrouvé presque aussitôt pointé du doigt : l'Afghanistan. Pourtant, avant l'automne 2001, ce pays n'évoquait pour l'Américain moyen que de vagues réminiscences de conflits reliés à la Guerre froide. Peu auraient été capables de le trouver sur une carte, encore moins se faire une idée de sa géographie, de sa démographie, de sa politique, etc. La représentation qu'en ont fait les médias américains a reposé presque exclusivement sur une construction fictive, peut-être basée sur des faits réels, mais de la même façon que dans Wag the Dog, c'est à dire orientée de manière à servir les intérêts subjectifs de ces mêmes médias américains. L'intérêt du livre de Khaled Hosseini est de venir nuancer cette représentation unilatérale à laquelle ont été soumis les Américains et qui joue un rôle non négligeable dans la constitution du mythe du 11 septembre 2001.
Le paragraphe dans lequel est annoncée la chute des tours jumelles montre le personnage d'Amir étonné de voir des gens ayant sur les lèvres les noms des lieux de son enfance : « Soon after the attacks, America bombed Afghanistan, the Northern Alliance moved in, and the Taliban scurried like rats into the caves. Suddenly, people were standing in grocery store lines and talking about the cities of my childhood, Kandahar, Herat, Mazar-i-Shraif. [...] Now Dan Rather, Tom Brokaw, and people sipping lattes at Starbucks were talking about the battle for Kunduz, the Taliban's last stronghold in the north. » (page 382) L'attaque du World Trade Center a eu pour conséquence de tourner l'attention publique vers l'Afghanistan. Sans le vouloir, Hosseini s'est retrouvé à faire exactement la même chose par l'entremise de son roman. Voici par exemple ce qu'il est possible de lire sur le site www.chapters.indigo.ca, dans la section des critiques des lecteurs :
« [The book] inspired me to learn more about Afghanistan and the people there. »
« Prior to this decade, Afghanistan was just an empty spot on the world map for me. Recent world events have changed that and plugged names like Kandahar, Kabul and The Taliban into my consciousness. Khaled Hosseini's The Kite Runner gave me insight into Afghanistan beyond my limited knowledge and I enjoyed reading and learning. » http://www.chapters.indigo.ca/books/The-Kite-Runner-Khaled-Hosseini/9780385660075-AllReviews.html)
Ainsi, même si la majorité de l'action du roman The Kite Runner se passe avant le 11 septembre, Khaled Hosseini a tissé une fiction qui s'intègre parfaitement dans le discours et l'imaginaire public qui entourent ces événements.