La fictionnalisation des attentats du 11 septembre commence dès le paratexte à travers la présence d'un sous-titre : « a novel of 9.11 ». Le « of » annonce l'orientation du roman : ce n'est pas un texte sur les attentats, mais qui découle des attentats. Nous sommes à New York, trois ans après les événements, le site n'est pas encore complètement déblayé. Il n'y a jamais d'analepse qui nous renseignerait sur ce que faisaient les personnages ce jour-là. Le cadre, comme l'indique le titre, est bien « l'ici » et le « maintenant ». Les mouvements dans le passé qu'effectuent Shrop et Quent dans le cadre des séances de psychothérapie, sont en réalité de pures constructions fictionnelles : Quent a inventé un passé à Shrop. D'autre part, aucune chronologie ne nous est indiquée, les moments se succèdent sans que nous connaissions leur durée ni combien de temps s'écoule entre eux. Tout ce que que nous savons, c'est que la narration se déroule trois ans après le 11 septembre. L'accent est mis sur les lieux, qui prennent une valeur d'ancrage et de sacré. Quent est fasciné par Ground Zero, au point où il s'y suicide. Le spectacle de ce site a apparemment détruit toute possibilité d'illusions sur sa vie, sa situation et le monde qui l'entoure. Le choix de l'immolation fait d'ailleurs penser à un sacrifice rituel : il se punit lui-même, mais pourquoi ? C'est ce qui interpelle Shrop.
L'agonie des victimes du 11 septembre obsède Shrop. Il voudrait savoir comment elles ont fini et déplore le peu d'informations disponibles sur ce sujet. Il dit vouloir expérimenter tout ce qu'elles ont vécu. Les attentats sont dans les non-dits, dans les points d'interrogations de Shrop, dans la fascination des personnages.
Le 11 septembre sert de mythe fondateur pour Shrop : son nouveau lui, amnésique, commence avec les attentats. Ils sont une sorte de point de repère assez récent, comme le fait remarquer Quent, pour qu'il s'en souvienne. Ils deviennent fondateurs d'une nouvelle ère, d'une nouvelle vie, d'un nouveau monde pour Shrop, et par extension pour les autres. Dans ce monde, Quent ne peut plus être psychanalyste et ne peut plus vivre. Le 11 septembre est également aux origines de ce livre, il est ce qui motive l'écriture, ce qui l'obsède, ce qui la fuit. Il est cet insaisissable rôdeur qui fait de ce texte un récit fragmentaire.