1 août 2010

The Days of Awe

Par Jean-Philippe Gravel
Présentation de l'œuvre
Ressource bibliographique: 

Roman écrit sous le signe de la crainte de la mort, de la maladie et du vieillissement, mais aussi sur la persistance de la vie, son lot d’épreuves et d’incertitudes, The Days of Awe est un roman dont la tonalité crépusculaire sied bien à l’âge avancé de son couple central, et de l’événement qui vient bouleverser leur vie. À la fin de l’été 2001, dans l’Upper West Side, Artie Rubin, 67 ans, planche sur un nouvel ouvrage illustré inspiré par la mythologie nordique tandis que sa femme, Johanna, s’occupe des portefeuilles boursiers de sa clientèle. Pendant que la mort et la maladie disséminent leur entourage, Artie, pourtant juif séculier, participe aux rituels des « jours redoutables » de la liturgie juive, période au cours de laquelle, entre Rosh Hashanah et Yom Kippour, il est rapporté que Dieu détermine lesquels de ses sujets mourront au cours de l’année nouvelle. Persuadé qu’il mourra à 73 ans comme son père, Artie se soucie surtout des ennuis de santé de Johanna, qui se révèle atteinte d’une forme d’hypertension grave. Le couple se réjouit pourtant d’apprendre que sa fille attend un garçon, bien que l’annonce soulève des questions délicates, le père du futur enfant refusant de faire circoncire le bébé. Entre temps, les amis de leur fille traversent aussi leurs épreuves : Sut, un informaticien travaillant dans une entreprise sise au 102e étage de la tour nord du World Trade Center, ne se remet pas d’avoir vu Guy, son supérieur, lui ravir la femme qu’il aimait; un ami des Rubin, Adam, en rémission d’un cancer, admet difficilement l’homosexualité de son fils. Arrivent les événements du 11 septembre, qui happent ces drames intimes dans le canevas de la grande Histoire, procédant à la sélection arbitraire des vivants et des morts. Faut-il céder à la peur, à la colère? Faut-il renier sa foi, ou retourner à celle de ses ancêtres? C’est ce dernier parti qu’adopte Artie, préoccupé par la santé de plus en plus fragile de sa femme, mais les voies (et l’ironie) divines restent insondables, jusqu’à la fin.

Précision sur la forme adoptée ou le genre: 

Roman

Précision sur les modalités énonciatives de l'œuvre: 

Le roman est polyphonique et surprend beaucoup par sa plasticité discursive et focale. Le cadre narratif premier est celui d’un récit non-focalisé qui aménage de nombreux passages en focalisation interne de diverses sources. Aussi les passages en discours immédiat sont nombreux (fragments de monologues intérieurs, dialogues rapportés en discours direct). Les vraies et fausses citations sont également fréquentes (voir 3c). Enfin, le statut même du narrateur n’est pas entièrement stable, puisque le roman comporte ce qui semble de discrètes interventions d’auteur, métalepses où le « I » de ce qui semble un narrateur homodiégétique intervient à deux reprises, toujours pour méditer sur l’isolement d’un personnage secondaire. Cela semble un signe discret de solidarité du narrateur pour Ella, la femme de ménage noire qui œuvre au domicile d’Artie et Johanna (voir page 40 et 72), et que ceux-ci projettent de congédier. Ce traitement particulier laisse entendre qu’un autre personnage secondaire, Betty Cook (qui est la fille d’Ella), est peut-être l’émettrice intra-diégétique du roman en entier. (cf. p. 142.)

Par ailleurs, si la chronologie des événements semble assurée par la datation des entrées du journal d’Artie Rubin, celle-ci s’avère comporter des erreurs. Vu la séquence des événements, il n’y a pas de doute que les entrées marquées de « Sept. 3, 2002, mon. 1 p.m. » (p. 121), « September 7, 2002. Fri. 2 p.m. » (p.135) et Sept. 8, 2003. Sat. 9 a.m. » (p.140) se déroulent la même année (soit en 2001). Ces erreurs cessent d’apparaître une fois franchi le seuil symbolique de 9/11.