29 novembre 2007

Sorry, Haters

Par Jean-Philippe Gravel
Présentation de l'œuvre
Ressource bibliographique: 
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Salué pour la qualité de son interprétation, mais décrié pour la rupture de ton qu'exerce sa finale spectaculaire, Sorry, Haters pourrait modestement s'inscrire dans la lignée des suspenses hitchcockiens et des drames passionnels (à la Fatal Attraction) qui voient un homme innocent entraîné à sa perdition par un personnage féminin manipulateur et déséquilibré. Ce motif se revisite ici dans une trame enrichie de notations sociales et psychologiques qui tentent d'envisager les retombées parfois imprévues des attentats du 11 septembre dans la vie de deux personnages de cultures et de milieux opposés.

Ashade, un chimiste syrien qui conduit un taxi à New York, prend un soir dans son véhicule une femme d'allure professionnelle, Phoebe, mais qui est ivre et manifestement peu pressée de se rendre à quelque destination que ce soit. Malgré les protestations du chauffeur, celle-ci l'emmène d'abord dans une banlieue du New Jersey afin d'épier la maison de son ancien mari, lequel, selon elle, lui aurait été «volé» par une collègue de travail. Ressassant ses malheurs personnels et harcelant le chauffeur de questions indiscrètes, Phoebe apprend qu'Ashade s'occupe de sa belle-sœur en attendant la libération de son frère, actuellement menacé d'expulsion après avoir été injustement emmené à Guantanamo par les autorités américaines qui le soupçonnent d'entretenir des liens avec des terroristes. Phoebe, qui se prétend une illustre productrice de télévision, propose son aide à Ashade et promet de contacter un avocat capable d'intercéder en faveur du prisonnier et de sa famille. Mais elle propose aussi à Ashade de provoquer en dernier recours un attentat pour attirer l'attention des médias sur sa cause, ce qu'il refuse. Voyant le lendemain que Phoebe a disparu avec ses économies et qu'elle a dénoncé sa belle-sœur à la police comme immigrée illégale, Ashade entreprend de retrouver Phoebe sur son lieu de travail et découvre qu'elle n'est qu'une petite comptable subalterne et solitaire constamment humiliée par ses supérieurs et spécialement Phillys, son ancienne meilleure amie, qui, elle, a conquis un poste important au sein de l'entreprise. Phoebe tente alors d'expliquer ses motifs à Ashade en racontant que ce n'est que durant les attentats du 11 septembre qu'elle s'est senti respectée par ses pairs, dont le sentiment collectif d'impuissance l'avait en quelque sorte libéré du sien, quitte à ce qu'elle vive depuis lors dans l'attente qu'un tel jour revienne. Apparemment réconciliés et même en voie d'être amoureux, Phoebe et Ashade décident de poursuivre leurs démarches auprès de l'avocat, mais en chemin, Phoebe pousse Ashade dans une bouche de métro après lui avoir glissé dans la poche un flacon de nitroglycérine. Satisfaite, Phoebe colle en vitesse sur les lieux de l'explosion quelques affiches revendiquant la libération du frère d'Ashade, avant d'aller savourer un cigare sur un banc public avec vue sur le pont de Brooklyn.

Précision sur la forme adoptée ou le genre: 

Long-métrage de fiction.

Précision sur les modalités énonciatives de l'œuvre: 

Fiction privilégiant le point de vue du protagoniste masculin, avec glissements vers le point de vue du protagoniste féminin, jouant en grande partie sur la confrontation dialoguée des deux personnages. La narration est linéaire et comprime les événements sur une période d'environ 36 heures. La musique dramatique et intra-diégétique puise dans un répertoire de chansons rap et pop identifiées comme des produits de la boîte de production où travaille la protagoniste; elles ont moins une fonction empathique qu'une fonction de commentaire ironique et d'information sur le personnage, tant les paroles des chansons (discours de révolte et d'affirmation individualiste typique du rap) font écho à son humeur. De brefs extraits de vidéoclips (faux documents) servent de brèves intermissions entre les pivots majeurs du récit.