L’œuvre travaille évidemment le processus de mythification du 11 septembre 2001, l’événement devenant la figure de l’angoisse qui tient les New-Yorkais dans leur quotidien. L’œuvre analyse ainsi la présence des événements du 11 septembre au plus profond du quotidien. Elle travaille cet événement comme une figure, c’est-à-dire qu’elle ne donne pas à voir l’événement même mais ce qu’il représente : son impact, sa résonance dans la vie de tous les jours des habitants de New York.
La théorie d’une image « cache » vient notamment des écrits sur la télévision de Serge Daney (voir Le Salaire du zappeur par exemple). Dans Violencia, c’est le rythme même de l’œuvre qui permet d’enclencher cette proposition de réflexion. Il me semble que, de ce point de vue, le rythme prend une importance capitale, il représente en quelque sorte non seulement la visibilité des événements mais aussi, et surtout, notre possibilité de les voir. Un événement est visible dans la mesure où l’on peut le capter, il ne s’agit pas seulement de son passage sur les ondes télévisuelles, ou web, mais plutôt de la possibilité donnée au spectateur de le comprendre (de le faire sien). Cette compréhension passe, entre autre, par le temps d’exposition de l’événement qui détermine notre capacité à le voir et à l’intégrer à notre quotidien, ou tout du moins nos pensées pour un temps. Qui n’a pas pensé, ne serait-ce quelques minutes, au 11 septembre ? Par leur présence médiatique, les images de cet événement nous ont habités et nous habitent toujours. Violencia s’arrête donc sur les tours du World Trade center, sous la foudre et sous le coup des attentats, avec une image vidéo qui semble tournée au ralenti. À la suite de ces fragments défilent à une vitesse qui rend les images invisibles, comme indiqué plus haut, d’autres fragments portant sur d’autres événements qui restent mystérieux. Ces fragments, et donc ces événements, n’ont pas le temps d’entrer dans notre champ de vision et nous n’avons pas le temps de les comprendre. Comme si le temps accordé à la représentation de la violence avait été entièrement pris par la médiatisation du 11 septembre. La violence du 11 septembre, c’est donc aussi ce que cet événement sur-médiatisé a empêché de rendre visible.