La place du 11 septembre dans ce roman est très étrange. Les attentats ouvrent la seconde et dernière partie du livre, mais ils ne sont pas du tout décrits. Ce qui compte, ce sont les réactions des personnages, le dérèglement dans leur quotidien. D’un premier abord, les attentats semblent donc très vite évacués. Il n'est pas question des pompiers, ni des disparus, ni des portraits of grief. Mais si l’on creuse un petit peu, il est très probable qu’ils influent sur le cours de la vie de Frank et de Nathalie. Frank affirme que leur vie a changé depuis le 11 septembre. Nathalie commence à les réveiller en pleine nuit par des cris stridents et, à deux reprises, elle part sans dire un mot, promettant seulement d’appeler et de revenir. À son retour, elle n’aborde pas du tout son absence. Frank n'analyse rien de ce qui leur arrive, il est focalisé entièrement sur Nathalie et devient un zombie lorsqu'elle est loin de lui. Pendant la deuxième fugue de Nathalie, juste avant de la retrouver, Frank décide de régler ses histoires avec ces vieux fantômes que sont ses parents : il retourne voir sa mère qui ne lui ouvre pas la porte. Il finit par déposer sur le palier le paquet de lettres formant la correspondance amoureuse qu'elle a écrite à son père. Ensuite, il enterre les vêtements de son père et lui dit adieu. Il retrouve Nathalie plus fort, tourné vers le futur, prêt à l'aider à affronter ses propres fantômes qui semblent plus se trouver dans ce qu'elle a vu à Ground Zero.
Sans aller jusqu'au mythe, les attentats du 11 septembre 2001 rôdent dans l'ombre de cette histoire d'amour, transformant leur présent de manière indéfinissable. Ils se trouvent dans les silences, dans les disparitions de Nathalie, dans les blancs de l'écriture mais jamais de façon très explicite. Ils forment une toile de fond pour toute la deuxième partie du roman, une toile problématique mais pas problématisée. Nathalie s'est portée volontaire pour aider sur le site de Ground Zero juste après des attentats. Traumatisée par ce qu'elle y a vue, elle n'y est allée qu'une seule fois. Mais jamais elle ne fait part à Frank de ce dont elle a été témoin, ce qui le rassure car il craint ce qu'elle pourrait lui raconter. Rôdeur, toile de fond, ombres, fantômes, tous ces termes correspondent à la représentation des événements du 11 septembre 2001 dans ce roman. Au lecteur d'y accorder l'importance qu'il souhaite concernant le reste de l'intrigue, de creuser les ombres ou bien de les aplanir. Cet aspect donné aux attentats en fait un symbole du doute, de l'indécis, de l'insaisissable. Le lecteur est constamment en train de se demander s'il n'exagère pas l'importance du 11 septembre dans le déroulement du roman ou bien s'il le sous-estime. Ce doute semble faire écho à l'incrédulité face à la violence traumatique de l'événement : est-il possible que les attentats du World Trade Center aient pu réellement avoir lieu ?