Au coeur du roman se trouve la démonstration appliquée d'une théorie complexe : la théorie des jeux. Systématisée pour la première fois en 1944 dans le livre Theory of Games and Economic Behavior par les mathématiciens John von Neumann et Oskar Morgenstern, elle est devenue un système théorique appliqué de prime abord dans les sciences sociales, pour ensuite s'élargir à des domaines aussi variés que la biologie, les mathématiques ou l'informatique. Le roman tire son nom de l'un des programmes stratégiques les plus connus de la théorie, le dilemme du prisonnier (voir Pistes d'analyse c) pour l'explication du théorème).
L'auteur utilise quatre personnages pour faire sa démonstration : Martin Benoît est un professeur d'origine française enseignant les cultural studies au Glendon College à Scranton en Pennsylvanie. Brulé par l'affaire Sokal en 1996, il se voit dans l'obligation de changer de champs de recherche et commence à s'intéresser à la théorie des jeux. Ses résultats peu orthodoxes attirent l'attention d'une université iranienne où il est invité, juste avant les événements du 11 septembre, à donner une série de conférences. Ce voyage, par un concours de circonstances malheureux, servira de motif aux autorités pour le soupçonner de propagande antiaméricaine ainsi que de collaboration avec des cellules terroristes iraniennes.
Laetitia Duperré est une étudiante française venue faire son mastère à Boston. Après une brève et triste liaison avec Martin Benoît, elle décide de s'orienter vers l'aide humanitaire. Elle est engagée par l'ONG Eau Libre Internationale, sous la direction de Pierre Maurice, et part pour l'Afghanistan en tant que chargée de projet. Elle travaille à partir d'un petit village dominé par Ahmed Morgad, un taliban notoire faisant affaire avec Maurice. Suite aux troubles causés par l'occupation du pays par les États-Unis après le 11 septembre, elle parvient à s'échapper des griffes du taliban, pour se voir presque aussitôt soupçonnée par les services secrets américains de collaboration avec les intégristes islamiques.
Les deux derniers personnages principaux sont Pierre Maurice, une « petite crapule » ayant trouvé dans l'aide internationale une couverture parfaite pour son trafic d'armes et de drogues, ainsi que Ahmed Morgad, un taliban notoire. Ce dernier est particulièrement intéressant puisque l'auteur illustre à travers son parcours comment la misère sociale qui s'est installée en Afghanistan suite à l'invasion soviétique a pu pousser certains Afghans à supporter et même à prendre la tête du mouvement taliban. La fin du récit est également intéressante puisque l'auteur propose quatre épilogues plutôt qu'un. Martin et Laetitia se retrouvent dans la position du dilemme du prisonnier, chacun placé devant le choix de dénoncer l'autre ou non, sans qu'aucun ne soit réellement coupable. Quatre épilogues pour quatre combinaisons possibles, la seule issue heureuse du roman est la quatrième où Martin et Laetitia ont tous deux refusé de dénoncer l'autre, en ont eu pour un an de prison chacun, se sont retrouvés par la suite, se sont convertis à l'islam et ont eu plusieurs enfants. Il peut sembler de prime abord que l'auteur a cédé à une pétition de principe dans ce dénouement de conte de fées. Sa démonstration du dilemme du prisonnier n'en reste pas moins exemplaire.