La théorie des cordes n’est pas a priori un roman sur le 11 septembre. Pourtant, malgré sa mince présence directe, le roman contribue au processus de mythification des événements en le désignant comme le moment où tout bascule : début d’une ère de mensonge et de suspicion généralisés. La société post-11 septembre décrite dans le roman est marquée par la peur et la paranoïa. La création du mal absolu, Zigzag, est entièrement justifiée par la menace d’un attentat terroriste qui plane sur le monde occidental depuis le 11 septembre 2001. Comme le soulignera le professeur Blanes : « Tu crois que tout le fric que coûte Zigzag vient de la passion qu’éveillent Troie, l’ancienne Égypte ou la vie de Jésus ? (p. 290). » Au-delà des avancées historiques et anthropologiques colossales, pouvoir visionner le passé en temps réel, c’est posséder « l’œil de Dieu qui voit tout », sorte de Big Brother scientifique. Pour la société paramilitaire qui finance l’expérience, les usages d’une telle arme sont infinis. Peu importe si la bombe a déjà explosé, il est maintenant possible d'identifier les coupables, de connaître leur méthode, l’exacte localisation de leurs camps d’entrainement, etc. La violence extrême qui découle de ces expériences d'apprenti-sorcier se trouve entièrement justifiée par l’idéologie défensive post-attentat.
L’omniprésence de la surveille informatique et téléphonique dans le roman tend également à décupler la paranoïa et la terreur des personnages qui ne savent plus à qui accorder leur confiance. Zigzag est bel et bien l’ennemi, mais agit-il sous les ordres du groupe Eagles ? Peuvent-ils faire confiance à cette énigmatique société paramilitaire qui sert des intérêts obscurs et qui surveille les scientifiques nuit et jour ? Si les attentats terroristes perpétrés aux États-Unis le 11 septembre 2001 ont donné une légitimité nouvelle aux différents types de surveillances, ils ont aussi donné un essor considérable au développement des technologies de surveillance de pointes en informatique. Un système de surveillance planétaire de l’information transigé sur la toile a de plus été légalisé de façon permanente aux États-Unis par le Patriot Act en 2004. Plusieurs autres pays possèdent des systèmes semblables, qui surveillent tout un chacun, en tout temps. Parmi l’abondance des références au traitement et au contrôle de l’information, le livre mentionne également à deux reprises le réseau échelon. Ce système de surveillance mondiale d'interception des communications privées et publiques existe bel et bien et a été instauré après la Deuxième Guerre mondiale par les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. La mention d’échelon, qui est suivie d’une remarque qui postule la présence d’un système semblable en Europe, est immédiatement juxtaposée à l’évocation des attentats de terroristes de New York et de Madrid : « Le 11 septembre et le 11 mars nous ont tous laissés comme Adam et Ève au Paradis : à poil et sous surveillances » (p. 129). Dans la théorie des cordes, la surveillance des individus est totale : les courriels d’Elisa sont lus et modifiés, son téléphone constamment sur écoute. Sur l’île, l’intimité des personnages est réduite à sa plus simple expression. Aucune serrure n’est tolérée dans les chambres, chacune possédant un judas permettant une surveillance visuelle constante des scientifiques. Dans la société post attentat du récit la sécurité prime sur les libertés humaines. Les gouvernements, à l’instar du prophétique Big Brother de George Orwell, surveillent tous les citoyens comme d’éventuels suspects.
Dans ce roman, le 11 septembre devient ce moment charnière où tout bascule. La frontière entre vérité et mensonge devient de plus en plus poreuse, la multiplication des réseaux de surveillance compose un paysage paranoïaque où des armes et des outils de plus en plus sophistiqués sont développés pour contrer l’ennemi. Le monde occidental est représenté comme une société marquée par la terreur, la violence et les théories du complot.