New York September 11 by Magnum Photographers se présente comme un recueil de photographies sur les attentats du 11 septembre 2001 à New York par les photographes de l’agence Magnum. Le recueil s’ouvre avec un poème de W.H. Auden intitulé « September 1, 1939 » et tiré de Another time. À sa suite, un texte d’introduction rédigé par David Halberstam, 16 jours seulement après les attentats, donne le ton de l’ensemble de l’ouvrage et le fait passer du statut de simple recueil à une véritable proposition d’essai. Trois pistes sont ainsi ouvertes.
Le premier aspect mis en avant est la réflexion historique associée à la reprise et à la documentation de l’événement : « Up until that moment America had been spared the ravage of the last century of modern warfare. » (p.4). Cet aspect historique met en avant toute la pensée documentaire qui se déploie à travers l’ouvrage. Car New York September 11 by Magnum Photographers propose une documentation visuelle des événements. Plus précisément, l’ouvrage, à travers ces images, cherche à montrer tout ce que ces événements représentent, c’est-à-dire l’impact réel et symbolique des tours et de leur destruction dans l’imaginaire mondial et new-yorkais. La dernière partie de l’ouvrage regroupe ainsi sous le titre « Farewell to the towers » douze photographies des tours « debout », rappelant leur place dans le paysage new-yorkais.
Dans cette perspective, le texte d’introduction relate également un deuxième élément qui prend tout son ampleur dans l’ensemble de l’ouvrage : l’impact des attentats sur la vie personnelle des auteurs/photographes et comment chacun a vécu et ressenti cette journée. Ainsi chacun des auteurs/photographes est amené à légender ses images et à proposer des textes relatant leur point de vue, leur expérience de l’événement. Cette structure de l’ouvrage amène à penser non seulement l’événement mais le regard, le point de vue sur l’événement. New York September 11 by Magnum Photographers, c’est finalement une série de regards exposés et exposant, chacun des auteurs se décrivant en train de photographier.
La mise en page de l’ouvrage est hétérogène. Certaines photographies s’étalent sur deux pages, d’autres se partagent une demie page. L’iconographie est également très diversifiée. En dehors de la différence radicale entre les photographies représentant les événements du 11 septembre et celles reprises pour « les adieux aux tours », les photographies des événements sont autant des vues panoramiques du quartier du World Trade Center (comme les premières images de Steeve McCurry), que des portraits de personnes émergeant des nuages de poussière ou pleurant les victimes des attentats, ou encore de policiers travaillant dans les décombres. Le livre suit une certaine chronologie des événements (on commence par l’impact des avions dans les tours pour arriver aux veillées en l’hommage des victimes), mais il n’y a pas de point de vue général unifié pour l’ensemble de l’ouvrage. Au contraire, New York September 11 by Magnum Photographers se construit à partir de la diversité des regards offerts en partage et exposés en formation. L’aller-retour entre textes et images joue ici un rôle capital, du moins à première vue. Dans certains textes, comme ceux de Steeve McCurry, Susan Meiselas ou de Larry Towell, les auteurs/photographes reprennent leur journée du 11 septembre 2001 et expliquent comment ils ont été amenés à photographier leurs sujets pour représenter les événements du 11 septembre. D’autres textes, comme ceux de David Alan Harvey, de Bruce Gilden ou de Chien-Chi Chang, ne font que légender leurs images mises à la suite les unes des autres. Seul Gilles Peress ne propose qu’une seule légende en dessous de la première de ses images: « I don’t trust words. I trust pictures » (p.46). Ce point nous mène au troisième aspect de l’introduction qui semble ouvrir une piste de réflexion que propose l’ouvrage : les images-documents.
En effet, le texte d’introduction est traversé par une série de photogrammes repris de la bande vidéo que filmait Evan Fairbanks au moment de l’impact des avions. En tout, sept images, présentées sous format de vignette, traversent les pages 3, 4 et 5 qui ouvrent l’ouvrage. Ces 7 images présentent seconde par seconde et en contre-plongée l’impact du deuxième avion dans la tour sud. Dans le coin gauche en bas de ces images un homme « guide » le regard de la caméra. Au fil des images, il tourne sa tête vers les tours et regarde l’avion entrer de plein fouet dans la tour. La caméra doit être en train d’effectuer un panoramique gauche/droite et bas/haut car sur la dernière image l’homme a disparu, on ne voit plus que les tours en flamme. Ces images, à elles seules, pourraient remplacer le texte d’introduction, elles montrent toute la force de l’ouvrage. Plus exactement, elles révèlent directement la place des images dans cet ouvrage: une place centrale, puisque les image ne semblent pas ici être là pour « illustrer » mais pour être pensées et faire penser.