Ce livre est le fruit de quatre années d'enseignement que Jeffrey Melnick a consacré à s'interroger sur l'impact des attentats du 11 septembre sur la production culturelle américaine, ce qu'il appelle la « 9/11 Culture ». Ce titre laisse supposer qu'une culture bien particulière, et liée directement aux attentats du 11 septembre 2001, s'est développée. L'auteur se base sur une grande variété de production culturelle qui va des romans aux films, en passant par la musique, les comics, les publicités ou encore le téléthon télévisé intitulé America : A Tribute to Heroes.
Comment la culture a-t-elle affronté cet événement et comment se l'est-elle approprié ? C'est à travers diverses thématiques que Jeffrey Melnick est entré dans ces questions.
Il commence par aborder les rumeurs qui se sont développées après le 11 septembre. Elles représentent, selon lui, un besoin d'inclure tout le monde dans cet événement, de le rendre proche de toute personne. Il distingue trois sortes de rumeur : les « wedge-driving » qui stigmatisent une tranche de la population, surtout celle d'origine arabe avec notamment l'exemple des « Celebrating Arabs ». Cette rumeur affirme qu'une personne a vu des Arabes Américains se réjouir des attentats dans un restaurant ou bien un café. La seconde catégorie de rumeurs recouvre toutes celles qui font partie d'une dynamique commerciale témoignant d'une volonté de contrôle idéologique, et que Melnick appelle les « corporate-sponsored rumors ». L'exemple le plus frappant est celui de la soit-disant liste noire des chansons à ne plus diffuser à la radio, publiée par Clear Channel Communications. Cette rumeur serait plus ou moins fondée et viendrait renforcer le mouvement de censure intellectuelle observé dans les mois qui ont suivi les attentats. La dernière catégorie de rumeur comprend tout ce qui a trait aux théories du complot et que l'auteur nomme le « 9/11 truth movement ». Les rumeurs, véhiculées principalement par internet, s'opposent au discours officiel qui passe par les médias comme la télévision ou encore les journaux.
Cette opposition entre version officielle et contre-narration est présente tout au long de cet essai, qui tente justement d'en souligner les interactions et les paradoxes. C'est le cas lorsque Melnick étudie les photographies liées aux attentats, les « snapshots ». Il souligne dans ce chapitre, la différence entre les clichés officiels s'évertuant à montrer une image des États-Unis en deuil et des Américains remplis de compassion, et d'autres scènes moins tragiques. Melnick observe également la censure des images des hommes qui tombent, visibles seulement dans l'après-coup, toujours sur internet. De plus, tout comme pour les rumeurs, il montre que des passants ont été photographiés pour permettre une identification plus large, pour interpeller plus de personnes.
Les derniers chapitres de l'ouvrage s'intéressent à des topos comme cette unité artificielle de la société américaine dont les discours officiels réclament un « nous ». Mais ce « nous » est normatif, c'est celui des hommes blancs riches. L'auteur rappelle que certains artistes afro-américains ne se sont pas sentis concernés par le 11 septembre, soulignant le dédain avec lequel les minorités étaient traitées aux abords du World Trade Center, et démontant le mythe du policier héroïque en rappelant les abus exercés sur les minorités, notamment la minorité noire-américaine. Ces abus ne sont pas disparu du jour au lendemain après les attentats.
Jeffrey Melnick s'attaque ensuite à l'image de l'homme fort présenté comme modèle après les attentats. Il souligne l'absence de la figure féminine, en particulier la figure maternelle, face à l'importance de la figure paternelle incarnée notamment par les pompiers, domaine encore très masculin.
Melnick clôt son parcours en faisant appel aux « shout-outs » du hip hop, ces appels, hommages, faits à des proches ou bien à des personnalités que l'on admire, dans les débuts de chansons hip hop. L'auteur se sert de cette image pour montrer qu'en 2009, les attentats ont perdu de leur intensité tragique et que s'ils demeureront dans la production culturelle, ce sera en quittant la dimension personnelle pour la dimension collective, quitte à se vider de leur sens premier pour devenir une expression servant à donner de l'intensité à une expérience relatée.
Cet essai est un parcours qui souligne la facticité du discours officiel face à la réalité de la situation, désacralisant les attentats pour rappeler que les conflits raciaux et sociaux importants de la société américaine n'ont pas disparu, bien au contraire. Les attentats du 11 septembre tendent à devenir une tragédie parmi d'autres dans l'histoire des États-Unis.