1 décembre 2010

Remembering 9/11 Through the Eyes of a Printmaker

Par Émilie Houssa
Présentation de l'œuvre
Description: 

i.    Aspects formels, iconographiques et médiatiques.
Remembering 9/11 Through the Eyes of a Printmaker est un ouvrage regroupant des images de 44 artistes-graveurs de divers pays (États-Unis, Angleterre, Turquie, Italie, Écosse, Argentine, Taiwan) sur le thème du 11 septembre. Ces images sont de natures très différentes : lithographies, pastels, sérigraphies, monotypes, gravures, collages. Mais comme l’indique le titre de l’ouvrage, elles dérivent toutes de la technique de la gravure. Chacun des artistes propose ainsi une gravure et un texte relatant sa journée du 11 septembre 2001. Si toutes les gravures sont regroupées sous le thème de l’hommage et du souvenir du 11 septembre, chacun des artistes développe ce thème à sa façon (selon des techniques, des points de vues et des sujets différents). L’ensemble crée un panorama d’une multitude de regards, d’histoires et d’attitudes envers les événements du 11 septembre 2001. Ainsi on passe d’un monotype noir et blanc de James O’Neil intitulé Aftermath et représentant le buste d’une personne aux bras recroquevillés autour de la tête penchée, à la gravure de Susanne Deising intitulée Dualities ? et représentant les deux tours composées de mots (l’une avec US, l’autres avec THEM) sur lesquelles vient se superposer un avion. D’autres gravures sont encore plus éloignées dans leurs thèmes, leurs procédés et leurs points de vues : on peut penser ici au Memorial de Dan Noyes, un monotype coloré cette fois et représentant une croix en pochoir bleu avec à sa base un triangle bleu foncé composé d’étoiles rappelant le drapeau américain. Il y a aussi le linocut de Heinz Allemann intitulé Fire Falter et représentant dans un ovale noir les chiffres 9 et 11 encadrant de haut en bas un papillon dans un dégradé de rouge orangé.
Les textes sont, en revanche, tous construits dans la même idée, chacun racontant la journée du 11 septembre de l’artiste : comment il ou elle a pris connaissance des événements et pourquoi leur gravure représente ce moment ou commémore plus généralement les victimes des attentats. Quelques uns des textes sont (ou comportent) des poèmes comme ceux de Heinz Allemann, de Susanne Deising ou de Dan Cautrell. L’ensemble dresse très largement un panorama de différentes réactions face aux attentats du 11 septembre 2001.

ii.    Situation de l’œuvre ou de l’installation dans le contexte historique en rapport aux événements et dans le parcours de l’artiste et/ou du conservateur/commanditaire.
Remembering 9/11 Through the Eyes of a Printmaker est une œuvre collective découlant d’un regroupement de graveurs coordonné par Robert Vianna. Le site web de ce regroupement (http://www.printmakers.info/index.php) fait mention de l’ensemble des projets dans lesquels s’insère Remembering 9/11 Through the Eyes of a Printmaker, seule œuvre du groupe qui semble publiée à ce jour, et seule proposition en rapport avec les événements du 11 septembre 2001. Le mandat du site est avant tout de créer un regroupement des graveurs à travers le monde, comme l’indiquent les premières lignes de la page d’introduction du site :
« You make prints. (etching, engraving, lithography, relief, monoprints, etc.) The only limit here is that they are not solely digital. You may use digital methods in the process but primarily this site is for and about traditional media and methods. »
Dans les archives du site, une page est consacrée à l’ouvrage publié et en expose toute la démarche (http://www.printmakers.info/911_project.php). Cependant, le but du projet n’est pas vraiment explicite, le regroupement des gravures sous la double bannière du souvenir et de l’hommage ne semble pas avoir de ligne directrice plus précise.

Argument énoncé: 

i.    Extrait de la démarche proposée
“The guidelines were relatively simple. Printmakers were to submit an original print that was created using hand pulled or press pulled printmaking processes. 
For example: etchings, woodcuts, lithographs, photogravure, screenprints, engravings etc... any combination as well. Just no photographs and completely digital reproductions such as giclees were allowed.
Printmakers were allowed to submit more than one print though they would only have one image in the main body of the book.
Each of the printmakers that appear in the main body of the book were given two pages. The left page to be their written material and the right to show their print image. In the written area some printmakers chose to explain about their image, others wrote a poem. It was for the printmaker to decide. The book has a large variety of writing styles and hopefully they were all interpreted correctly by the editor. More than once there was a definite language barrier that was hopefully hurdled correctly.”
http://www.printmakers.info/911_project.php
ii.    Texte de présentation de l’œuvre
Texte de la quatrième de couverture :
“This book was put together to show how artist printmakers from all over the world might interpret the September 11, 2001 terror attacks and translate those impressions and feelings to paper. The world will never forget that tragic day and the horrific events that unfolded right before our eyes. This book is in memory of all those fallen friends and family.”

Place des événements dans l'œuvre: 

Les événements ont dans Remembering 9/11 Through the Eyes of a Printmaker une place centrale. Plusieurs des gravures abordent une des figures majeures des événements, comme les tours (pour les gravures d’Eleanor Erskine, d’Eric Goldberg ou de Senol Sak entre autres), les avions (pour les gravures de Susanne Deising ou de James Told), les pompiers (gravure de Keith Skaggs), le drapeau américain (gravures de Dan Noyes ou de Clay McGlamory), et autres. D’autres gravures s’attachent plus à la volonté de rendre hommage et proposent des mémoriaux, tels que The Lost Souls de Aine Scanell ou la même gravure de  Dan Noyes : Memorial. Mais certaines gravures ne proposent pas une représentation directe des événements, elles s’attachent avant tout aux émotions qui en sont ressorties, comme la peur (pour les gravures de Karen F. Cooper ou de Mariana De Marchi) ou le désespoir (pour les gravures de Hyun-Jin Kim, de James O’Neil ou de Sharri LaPierre). Enfin, d’autres gravures semblent encore plus éloignées des événements du 11 septembre, elles se concentrent sur une idée générale qui émerge des attentats. Ainsi deux gravures semblent à première vue abstraites : Into Black de Mary Hood et If These Walls Could Speak de Elka Kazmierczak. L’ensemble crée un panorama multiple et complexe autour de l’imaginaire des événements du 11 septembre.

Aspect visuel: 
Documents et paratextes
Dédicace: 

« Dedicated to all of our fallen friends and family »

Entrevues: 

Voici la note de Robert Viana au début de l’ouvrage :
« This book was conceived to be a place for artist printmakers from all over the world to share their stories and feeling about the tragedies of September 11th 2001, as well as a place to display a piece of artwork that was brought about or influenced by these events.
Proceeds from this book will be dedicated to charity(s) benefiting the victims’ families and will be determined by the books contributing printmakers.»

Impact de l’œuvre: 

L’ouvrage est très présent sur le Web, mais surtout pour les sites d’achats en ligne. Cependant le livre est entièrement disponible sous format pdf.
 
De plus, il fait l’objet de différentes recensions en fiches de présentation comme à l’adresse suivante : http://dart.fine-art.com/aqd-asp-im_110410-buy-m.htm.

Noter toute autre information pertinente à l’œuvre: 

Voici la liste de l’ensemble des artistes qui ont participé au projet. Cette liste est publiée sur la page internet du projet
Robert Viana (editor) USA, 
Susanne Deising - USA, 
Aine Scannell- Scotland, 
Eleanor Erskine - USA, 
David Thomas - USA, 
Senol Sak - Turkey, 
Jean Womack - USA, 
James O'Neill - USA, 
Mariana De Marchi - Argentina, 
Fabio Sassi - Italy, 
Sharri LaPierre - USA, 
Danielle Feige - USA, 
Clay McGlamory - USA, 
Lynn Allison Starun - USA, 
Dan Cautrell - USA, 
Rachel Nore - USA, 
Jeanne Norman Chase - USA, 
Hyun -Jin Kim - Taiwan, 
Humberto Saenz - USA, 
Eric Goldberg - USA, 
Nelleke Nix - USA, 
Marleen De Waele De Bock - USA, 
K. Jordan Kelly – USA,
Melanie Yazzie - USA, 
Heinz Allemann - Switzerland, 
Benjamin Bigelow - USA, 
Karen S. Cooper - USA, 
Gary Krüger - Germany, 
Larry Giacoletti - USA, 
Martha Hayden - USA, 
Collette Broeders - Canada, 
Anna Bowers - USA, 
Jordan Murray - USA, 
Libby Cagle - USA, 
Nathaniel Hester - USA, 
Keith Skaggs - USA, 
Noppimarn Anan-Ittikul - Thailand, 
James Todd - USA, 
Dan Noyes - USA, 
Fabio Coruzzi - England, 
Elka Kazmierczak - USA, 
Mary Hood - USA, 
Frank Trueba - USA, 
Aurora Leos - USA.

Pistes d'analyse
Pistes d'analyse: 

Si l’ensemble de l’œuvre crée un panorama riche et complexe de la représentation et de l’imaginaire du 11 septembre, l’hétérogénéité des gravures proposées rend une synthèse de l’ouvrage difficile. Entre expérience personnelle et reprise des grands thèmes qui structurent l’imaginaire de l’événement, les gravures présentent, comme on l’a vu plus haut dans la présentation et dans la partie consacrée à la place des événements, une vision multiple qui ne correspond ni à un même thème ni à un même objectif. Dans l’ensemble, les gravures proposent un hommage aux victimes des événements, mais cet hommage se décline sous de multiples façons, et cette multiplicité va jusqu’à opposer certaines propositions.
Ainsi, une gravure de Larry Giacoletti semble complètement sortie du thème général. Elle s’intitule 9:03 am et représente une vision en plongée de jambes de personnes assises vraisemblablement dans le métro. Sur une des jambes repose un bras avec une montre indiquant l’heure. Cette vue ne relate pas l’imaginaire du 11 septembre, elle propose d’exposer l’instant saisi par l’artiste de cet événement. Le texte publié à côté de la gravure explique la situation exposée. Au moment de l’impact du second avion dans les tours, l’artiste se trouvait dans le métro où le conducteur annonça qu’il ne pourrait arrêter  au  World Trade Center. Ce moment gravé par l’artiste est en fait la relecture a posteriori du moment où il fut confronté à la réalité des attentats. Et l’artiste d’expliquer :
“For my print, I did not want to reproduce the horrific images that the world has seen over and over, but try and make it more personal. This is but one small moment in my day, an innocent feeling, a casual glance, but a glance that stuck with me ever since”.
Ce regard devient ainsi a posteriori l’expérience que l’artiste a eu ce jour-là des attentats. L’exposition du point de vue personnel renforcé par l’angle de vue choisi pour la gravure rend perceptible la profondeur de l’impact de l’événement dans l’intimité de l’individu : c’est-à-dire dans sa propre mémoire de cette journée. L’auteur documente ainsi l’intime, plus précisément son intimité des événements, révélant ainsi de façon encore plus importante la force de leur impact. Si ce procédé proprement documentaire tient compte du thème général de l’ouvrage, il demeure isolé dans l’ensemble du livre, ne trouvant aucun écho dans les autres gravures qui semblent correspondre plus à une vision traditionnelle du 11 septembre et de son impact. Ce décalage rend cette gravure d’autant plus forte mais n’aide pas à saisir la valeur de l’ouvrage dans son intégralité
Comme nous l’avions déjà énoncé plus haut, cela renforce la sensation d’être devant un panorama dont le thème devient une bannière trop générale pour qu’il y ait une ligne de fond qui permette de lire et d’analyser l’ensemble comme une entité. Il semble finalement, et cela s’explique d’autant plus par l’origine du projet, que l’ouvrage se justifie avant tout par la technique de la gravure. Cependant, on peut s’interroger sur la pertinence de cet angle d’approche pour penser l’imaginaire du 11 septembre.