Présentation de l'œuvre
Eleven est un roman épistolaire à la sauce numérique qui consigne les nombreux courriels que Martin Davies, le personnage principal, envoie et reçoit lors du 11 septembre 2001. Martin Davies vit en Angleterre, à Cardiff. Il travaille dans un bureau et passe le plus clair de son temps à procrastiner, à discuter de la soirée de la veille, ou encore de celle à venir avec ses amis. L'auteur joue sur l'effet de décalage induit par la connaissance qu'a le lecteur des évènements tragiques à venir. Martin Davies souffre d'une sorte de malaise fin de siècle, ses amours sont de pathétiques échecs et il consomme de la cocaïne avec ses amis, le week-end, simplement pour passer le temps. L'auteur semble vouloir relativiser ces problèmes sommes toutes anodins en les confrontant à l'Histoire, ce grand problème, mais il semble aussi suggérer que la différence d'échelle entre les souffrances individuelles et collectives n'interdit pas nécessairement d'établir certaines corrélations. Les individus sont perdus parce que la marche du monde est une immense déroute, à moins que ce soit l'inverse, tel est la réflexion ressassée par ce court roman épistolaire. Autre fait intéressant : le livre laisse également entrevoir que le traumatisme du 11 septembre, du point de vue d'une jeunesse londonienne blasée, n'est pas nécessairement aussi profond qu'on pourrait s'y attendre. Les personnages réagissent fortement aux images qu'ils perçoivent à la télévision, mais ils continuent tout de même de vaquer à leurs occupations, par exemple à planifier une réunion d'affaires.
Roman épistolaire où sont consignés exclusivement des échanges de courriels.
Les échanges de courriel gravitent autour de Martin Davies, le personnage principal. La temporalité est linéaire et assez dilatée, puisque plusieurs courriels sont échangés par heure. À la limite, on a une impression d'invraisemblance, comme si le personnage ne faisait que lire et écrire des courriels toute la journée.
Modalités de présence du 11 septembre
La présence du 11 septembre est particularisée, c'est-à-dire qu'elle est incarnée, vécue par les personnages qui sont évidemment troublés lorsqu'ils prennent connaissances de la catastrophe dans les médias.
Les évènements ne sont pas vécus directement par les personnages du livre. Ils en prennent connaissance depuis Cardiff, en Angleterre, par l'intermédiaire des médias. Toutefois, ceux-ci explicitent les évènements en discutant entre eux. Par exemple, Lisa Culis, une amie de Martin, est figée devant son écran et ne cesse de ressasser l'image des Falling Men. Cette citation permet de bien cerner le ton du livre, à la fois troublé et détaché : «Anyway… What I was saying was—are they allowed to show people jumping off a burning building, even for the news, because that's what they're showing, and if I wasn't coked up to the eyeballs it would probably be too much. I mean, these people are thousands of feet in the air. Even with the biggest trampoline in the world, nobody is going to survive that. It's all mildly perturbing. » (p. 83)
Les personnages du récit sont, au sens le plus strict, des spectateurs. Spectateurs de la catastrophe, mais aussi, pourrait-on dire, de leur propre vie. Martin, le personnage principal, patauge dans l'ambivalence. Le roman joue par exemple sur le fonction "sauvegarder le brouillon" des logiciels de courriel, le mettant ainsi en scène en train d'écrire des messages importants et personnels qu'il décide de ne pas envoyer. Au même titre qu'il regarde en quelque sorte la vie passer, il prend conscience des évènements qui se déroulent à New York sans réagir fortement. Il reste au bureau et termine sa journée de travail, bien qu'il échange quelques courriels inquiets avec ses proches.
Aspects médiatiques de l’œuvre
Non.
Le paratexte
It's just another boring day at the office for the young professionals of corporate Cardiff, as they email each other their gossip, jokes, requirements for the weekend and, occasionally, work.
At the centre of this online world is "process accountant" and would-be author Martin Davies. Frustrated by his job, in denial over his break up with his girlfriend, Martin is baffled by the triviality of his life. And when on this day, Tuesday September 11, 2001, just after lunch, people start flying airliners into New York office blocks, Martin feels he is rapidly losing the plot....
Part The Office, par Beckett, Eleven is a striking debut novel. Smart, funny and brutally sad, it opens up the inhumanity of throaway 21st century society.
Eleven is for anyone who has ever clicked SEND when they should be doing something else.
Information non-disponible.
To Dad and Andreuw
and in memory of my Mum,
Elizabeth Llewellyn
La réception critique est pratiquement inexistante. Le livre a été brièvement abordé dans The Guardian (http://www.guardian.co.uk/books/2007/jan/06/featuresreviews.guardianrevi...) et a aussi été sélectionné parmi les dix livres d'humour noir les plus savoureux de 2007, toujours dans The Guardian (http://www.guardian.co.uk/books/2007/nov/13/top10s.black.comedies).
Inexistant.
Pistes d’analyse
Ce livre offre un point de vue externe de la catastrophe. Comment de jeunes Anglais blasés ont-ils pu vivre cette journée? Llewellyn travaille l'incrédulité qu'il est possible de ressentir devant des évènements d'une telle ampleur, comme si le réel était soudainement trop extraordinaire pour qu'on puisse y croire tout à fait. Il est aussi intéressant de voir comment les personnages de Llewellyn poursuivent leur journée de travail, tout en discutant de la tragédie. Pour certains, dont le personnage principal, Martin Davies, cette catastrophe vient faire écho aux échecs personnels, la grande Histoire communiquant soudainement avec la petite.
«It's typical. F**king news channel—They just show the same footage over and over again. Smoke coming out of the towers. Someone jumping off one of the towers. The second plane crashing into the tower. Three clips, that's all BBC, ITV, or f**king CNN have got. Fox News have one more bit of footage—A group of people on the ground screaming as the second plane crashes into the tower. They're all sitting at tables outside Starbucks sipping their mochas and looking up at the sky. What the f**k is the world coming to?» (p. 85)