Le livre se présente comme un journal de bord du 11 septembre 2001 au 11 septembre 2002. Journaliste pour Canal +, pourvue d’impressionnants moyens financiers (appartement dans le bas Manhattan à deux pas du World Trade Center, déplacements incessants dans le monde, accès aux lieux de pouvoir), l’auteure est constamment aux premières loges de l’actualité. Chambre d’écho du monde médiatique (la plupart de ses amis sont journalistes télé ou photographes de presse), ce journal retrace le quotidien dans l’après-11 septembre, observe les réactions du pays, sombre parfois dans une certaine commisération, fait un inventaire des réactions très diverses ayant toutes comme centre le 11 septembre.
Le monde de Laurence Haïm, parce qu'elle a été profondément blessée par les attentats de New York, tourne dorénavant autour de ce cauchemar. Elle entreprend des démarches pour obtenir la nationalité américaine. L’obsession du 11 septembre, partout où elle va durant cette année, à New York comme à Paris, est frappante. De la solidarité des premiers courriels reçus aux prises de position plus politiques qui suivent, le livre n'est, dans sa première moitié, qu’une seule réflexion sur l’impact des attentats.
Cynisme inconscient ou douloureuse félicité de la journaliste comblée par l’événement, la prostration et les larmes s’envolent dès lors qu’il est question de son métier, lieu sacré où la femme redonne vie à la journaliste redevenue nerveuse et enthousiaste, créant une hyperexcitabilité de circonstance, traquant le temps d’antenne, passion qui permet sans doute de survivre à la proximité des tragédies de l’Histoire. En tant que journaliste, l’auteure sait montrer les bouleversements des petits et grands faits quotidiens dans une ville traumatisée, les manifestations d’amitié ou le renouvellement d’intérêt soudain renforcés par les attentats, mais aussi le clivage politique et sensible, pour Haïm qui est française, entre la France et les États-Unis, entre les Français et les Américains.
La seconde partie du Journal est marquée par le scandale Enron que la journaliste couvre en partie, la chute du régime des Talibans, les prémisses de la guerre en Irak et les kamikazes palestiniens en Israël. Un séjour en Israël et en Palestine lui révèle l’envers de la diabolisation de Ben Laden en Occident. La glorification, par les familles des « martyrs » palestiniens, des attentats de New York et de Ben Laden est une des facettes inédites (de son point de vue) que l’auteure découvre dans le conflit israélo-palestinien.
Ce journal est aussi le témoignage d’une journaliste qui n’oublie jamais son métier, recherchant des proches de disparus pour générer de l’audience, reniflant les bons scoops, évaluant en temps média les traumatismes et les pertes, les souffrances et les désarrois. La visite, par exemple, de L. Haïm à la femme d’un cadre d’Enron qui vient de se suicider est un moment de pure débâcle de l’oiseau de proie devenue journaliste.
À la fois revue de presse, mais aussi exploration intime (rupture et doutes, amour et amitié jalonnent le livre), ce journal révèle une dépression parfois mélancolique, une sentimentalité mièvre, une innocence fausse mais donne des informations vivantes bien que très souvent interprétées à travers un pro américanisme déroutant. Reste le rôle de témoin privilégiée dans une optique purement médiatique.